On connaît la chanson : en rappel
3 novembre 2023
Le jeudi 26 octobre avait lieu une nouvelle édition de l’activité, lancée par le Département de lettres voilà un an. Cette fois-ci, à l’occasion de l’Halloween, on faisait place au thème de la mascarade, avec les professeurs Gabriel Bouchard, Noémi Doyon et Olivier Parent-Thivierge.
Le premier intervenant a survolé la déjà longue carrière de Jean Leloup, entamée il y a 40 ans, en soulignant le caractère polymorphe du personnage très particulier qu’il incarne dans l’imaginaire québécois depuis son premier long-jeu (Menteur, 1989). Nous amusant de ses nombreux pseudonymes comme Leloup semble lui-même s’en être amusé, Gabriel Bouchard a décliné les diverses facettes de l’insaisissable barde, dont le véritable nom civil est Jean Leclerc. Reprenant les catégories imaginées par Nadia Murray, autrice d’un essai sur le chanteur, il a ainsi dévoilé un Leloup successivement imposteur, insolent, décadent, authentique, entre autres, au gré de ses enregistrements.
Noémi Doyon a axé son exposé sur les sources de l’identité du fameux M (alias Matthieu Chedid), auteur-compositeur et interprète français dont le succès dans l’Hexagone est aussi phénoménal que son accoutrement digne d’un super-héros de Marvel. Ces racines sont d’autant plus passionnantes que le principal intéressé a, au fil des ans, volontiers répondu aux questions qu’on lui posait à ce propos. M comme dans Matthieu, bien sûr, mais aussi comme dans « Aime ! », injonction devenue l’essence de son message d’artiste. Retenons que ce masque intégral semble lui servir de paravent, pour dissimuler son patronyme dans un premier temps (son père, Louis Chedid, est également un chansonnier très connu en France), mais aussi sa timidité, maladive, notamment en ce qui concerne sa voix haut perchée, d’abord motif de honte, dont il a ensuite fait un instrument central de sa pratique artistique.
Olivier Parent-Thivierge a enchaîné avec une réflexion sur Dead Obies, groupe québécois de hip-hop, qui a su faire quelques cachotteries à son public. En effet, avec leur album studio Montréal $ud (2013), où ils s’expriment dans un franglais qui avait fait scandale à l’époque, les six membres du groupe ont projeté l’image d’adolescents attardés et marginaux, évoluant dans un monde de dealers pourchassés par la police, reprenant les stéréotypes associés à ce genre musical – alors qu’en vérité, ils étaient pas mal plus sages dans leur quotidien, comme l’a dévoilé l’un des membres (20some). L’intervenant a laissé son auditoire avec une intéressante interrogation : les artistes qui « mentent » à leur public en s’inventant une identité à des lieues de leur personnalité véritable sont-ils des imposteurs? À quoi l’on pourrait rétorquer : mais les artistes qui prétendent être authentiques sont-ils des hypocrites? « L’art est un mensonge qui dit la vérité », répond Picasso. « Je est un autre », répond Rimbaud…
Suite de la série le jeudi 9 novembre (à 12 h 15, à l’Agora) avec un collectif sur le thème « Guerre et Paix ».
Philippe Mottet (Lettres)